Idrissa Soumaoro est né en 1949 à Ouéléssébougou, petite localité à 75 km au sud de Bamako au Mali. Son beau-frère chez qui il découvrira sa première guitare moderne est le directeur de l?école élémentaire qu?il fréquente. Le petit Idrissa tombe en admiration devant les qualités exceptionnelles de cet enseignant hors pair qui influencera son avenir professionnel. "J'étais fasciné par ce personnage, homme juste et intègre. Il cultivait la rigueur du travail bien fait. La délicatesse et la précision de son savoir communiquer suscitèrent ma vocation d?enseignant. Il aimait la musique et possédait même une guitare. Je voulais lui ressembler. C?est mon père spirituel".

Pendant ses vacances scolaires à Bamako, Idrissa déambulait avec ses camarades d?âge de Quimzambougou, quartiers populaires de la capitale, dans les lieux d?animation comme la gare routière et les abords du cinéma qui diffusait une brassée de films indiens. Subjugué par ce bouillonnement urbain, le jeune rural découvre et se laisse charmer par des instruments comme l?harmonica, la flûte et le timbo.

Notre artiste en herbe maîtrise allègrement et l?harmonica et le pipo qu?il joue à tue-tête à son retour au village. A dix sept ans, il emprunte la guitare de son beau-frère qu?il accorde au son du n?goni, un instrument à six cordes joué essentiellement par les chasseurs du Wassoulou au sud du Mali, d?où son nom dozo-n?goni (le n?goni des chasseurs). Avec le n?kussoun-balan, une variante du balafon, ils constituent la base du blues malien et ne produisent que cinq tons. A dix huit ans, pendant qu?il prépare son Diplôme d?Etudes Fondamentales, Idrissa monte son premier groupe, le Djitoumou-Jazz de Ouéléssédougou, anime tous les samedis soir le bal poussière de la localité qui deviendra très vite le principal rendez-vous de toute la contrée.

En 1969, pendant qu?il poursuit se son cursus à l?Institut National des Arts de Bamako, l?Office de Radio Télévision du Mali l?invite à enregistrer une série de chansons pour ses programmes de variétés. Il met en boîte un titre intitulé Ancien Combattant, inspiré par une altercation dont il fut témoin, entre le vieux Filiba Sacko, ancien combattant retraité et l?irrespectueux jeune Sidi qui osa pourchasser sa s?ur et la battre aux pieds de l?Ancien. Indigné par cette déconsidération extrême, le chef de famille enflamma le garçon d?une avalanche d?injures tout en l?assenant de son digne parcours de combattant de la deuxième guerre . "Petit n?imprudent provocatèr, malappris, tu ne sais pas que je suis vié? Moi j?ai fais lé guerre mondiaux, j?ai tué allemand, j?ai tué tchékoslovaqui ?"

Le succès fut instantané partout en Afrique de l?Ouest. Un technicien de la radio vole la bande qu?il vend à Safiédine, le seul Libanais fabriquant de disque vinyle de la région installé à Abidjan en Côte d?Ivoire et qui vendra à partir de 1970 des dizaines de milliers de 45T de Ancien Combattant. Plus tard, le Congolais Zao, Prix Découverte R.F.I en 1982 connaîtra sa véritable notoriété sur le continent en pillant ce titre qu?il enregistre sur le label Barclay en 1984. Malgré toutes les réclamation s à la SACEM, le Malien n?a toujours pas obtenu réparation.

Bardé de diplômes d?études de piano, de guitare, de flûte ou de musicographie braille, glanés au Mali ou aux Royal National College & Academie of Music en Angleterre, Idrissa consolide ses acquis à travers les orchestres régionaux du Mali, les Ambassadeurs de Salif Keïta ou le Rail Band. Sa musique se nourrit essentiellement des traditions du Kôtè un théâtre traditionnel englobant danse, comédie et musique. Aujourd'hui, ses textes rêvent d?un monde équitable, d?une société solidaire et use de l?humour pour peindre sa société.

Extrait de l'article "Idrissa Soumaoro, Itinéraire d'un enfant du Mali" de Soro Solo.
Lien : http://www.rfimusique.com/musiquefr/articles/060/article_14894.asp