"La Bataille d'Alger" (italien : La Battaglia di Algeri, arabe : معركة الجزائر), est un film algéro-italien de Gillo Pontecorvo, sorti en 1966.
Le récit se déroule pour l'essentiel entre 1954 et 1957 et prend pour cadre, comme son titre l'indique, la bataille d'Alger. Il s'agit d'une reconstitution de la vraie bataille d'Alger de 1957, à l'occasion du soulèvement de la population algérienne musulmane par le FLN contre le pouvoir colonial français, et de la tentative du détachement parachutiste de l'armée française de "pacifier" le secteur.
Le film retrace principalement l'histoire d'Ali la Pointe lors de "la bataille d'Alger", et de la lutte pour le contrôle du quartier de la Casbah à Alger, entre les militants du FLN et les parachutistes français de la 10e DP, pendant la guerre d'Algérie.
Selon le classement établi par Sight & Sound, revue de cinéma du British Film Institute, La Bataille d'Alger est classé le 48e film sur les 50 meilleurs films de tous les temps, et 120e sur la liste du magazine Empire des 500 meilleurs films de tous les temps.
Synopsis
En 1954 à Alger, le Front de libération nationale (FLN) diffuse son premier communiqué : son but est l'indépendance nationale vis-à-vis de la France, et la restauration de l'État algérien. Ali la Pointe propose des parties de bonneteau. Repéré par la police, il s'enfuit mais se fait agresser par un passant, il réplique et se fait tabasser par le reste du groupe. Rattrapé par la police, il se fait arrêter. Emprisonné, il assiste par la fenêtre de sa cellule à l'exécution d'une peine de mort par guillotine sur un nationaliste. Le FLN le contacte.
Cinq mois plus tard, il réalise une première mission pour le FLN : il tire au pistolet sur un policier. L'arme, qui lui est fournie au dernier moment, n'est pas chargée. Il s'enfuit. En rencontrant plus tard El-hadi Jaffar, un homme important au sein du FLN, il apprend que cette mission était un test pour voir s'il était un agent d'infiltration de la police. Jaffar estime que l'organisation n'est pas encore prête à tuer un policier...
Fiche technique
Titre français : La Bataille d'Alger Titres originaux : La Battaglia di Algeri et معركة الجزائر Réalisation : Gillo Pontecorvo Assistant réalisateur : Ruggero Deodato et Giuliano Montaldo Scénario : Franco Solinas d'après un livre de Yacef Saadi Musique : Ennio Morricone et Gillo Pontecorvo Musicien : Le tambour militaire solo : Pierino Munari. Photographie : Marcello Gatti Montage : Mario Morra et Mario Serandrei Production : Antonio Musu pour Igor Film (Italie) ; Yacef Saadi pour Casbah Film (Algérie) Production exécutive : Ruggero Deodato Sociétés de distribution : StudioCanal Budget : 800 000 de dollars Pays d'origines : Algérie, Italie Langues originales : français, arabe, italien et anglais Format : noir et blanc - 1,85:1 - mono - 35 mm Genre : Guerre, drame, historique, politique Durée : 121 minutes Mention CNC : interdit aux moins de 12 ans, art et essai (visa d'exploitation no 37251 délivrée le 1er juin 1970)4 Date de sortie : Algérie : 1966, France : 1971
Distribution
Brahim Hadjadj : Ali la Pointe Jean Martin : Le colonel Mathieu Yacef Saadi : Djafar, le chef de la Zone autonome d'Alger Mohammed Beghdadi : Larbi Ben M'hidi Mohamed Ben Kassen : Petit Omar Fouzia El Kader : Halima, l'une des filles du réseau bombes Samia Kerbash : Une des filles du réseau bombes Ugo Paletti : Le capitaine des parachutistes français Larbi Zekkal : Un combattant du FLN Rouiched : Le rôle de l'ivrogne
Conception et réalisation
Les lieux de tournage dans la casbah d'Alger, maquis urbain et siège de l'état major des indépendantistes algériens du FLN
Le film voit le jour en 1965, trois ans après la fin des hostilités en Algérie. Yacef Saadi, un des chefs militaires du FLN à Alger, qui avait su que Gillo Pontecorvo et Franco Solinas avaient écrit une histoire (Paras) qui se déroulait en Italie puis en Algérie et qui a avorté à cause de la peur du producteur de l'OAS, propose au réalisateur communiste italien l'idée d'un film fondé sur son expérience dans l'ALN. Gillo Pontecorvo accepte mais à condition d'avoir carte blanche.
Le film est tourné avec des non-professionnels, à l'exception de Jean Martin, signataire du Manifeste des 121, dans le rôle du colonel Mathieu à la tête des parachutistes français. Ali la Pointe est interprété par Brahim Haggiag, un paysan sans instruction découvert par Pontecorvo sur un marché d'Alger. Yacef Saadi interprète son propre rôle, celui de chef FLN de la zone autonome d'Alger.
Ce film a été tourné dans la Casbah d'Alger, caméra à l'épaule. Les combattants survivants de la bataille d'Alger de 1957 ont servi de conseillers techniques. Certaines scènes d'intérieur, dont celle de la réception au cours de laquelle le commissaire prend congé d'une maîtresse de maison, ont été visiblement réalisées en France. Les premières images ont été tournées à la cité Climat de France, 5 000 logements, construite par l'architecte Fernand Pouillon juste au-dessus de Bab El Oued.
Les véhicules de transport de troupes et les chars de l'armée française que l'on peut voir dans le film ne sont pas français mais russes, en effet, ce sont des VTT BTR-152 et des automoteurs blindés SU-100 prêtés par l'armée algérienne qui se fournissait en URSS.
Accueil critique
La présentation officielle de ce film au Festival de Venise 1966 suscita la mauvaise humeur de la délégation française qui n'assista pas à la projection du film. Par la suite, la défiance initiale se transforma en vindicte contre le jury et contre les responsables de la Mostra lorsque les officiels français - Robert Bresson et François Truffaut étaient pressentis comme vainqueurs - apprirent que le Lion d'Or était attribué à Gillo Pontecorvo et La Bataille d'Alger ; le film reçut ainsi le Lion d'Or malgré l'opposition de la France.
Pour le critique suisse Freddy Buache, "la passion, teintée de chauvinisme généralement inavoué, brouilla les jugements ; on proclama le film partisan, caricatural et, pour tout dire médiocre […] ". Puis il ajoute que nous sommes, selon lui, "en présence d'une œuvre magnifique et rigoureuse qui évite avec une rare délicatesse l'ensemble des défauts énumérés avec complaisance à son sujet : pas de manichéisme, pas d'exploitation romanesque d'un thème qui demeure d'un bout à l'autre grave et lyrique ".
Accueil en France
Le réalisateur et journaliste communiste Gillo Pontecorvo et l'acteur-producteur FLN Yacef Saadi ont constitué un témoignage portant sur un épisode de la guerre d'Algérie particulièrement impitoyable.
Initialement interdit en France, le film est diffusé brièvement en 1970 mais retiré des écrans, sous la pression d'associations d'anciens combattants, de manifestations d'extrême droite, après une campagne haineuse et des menaces d'attentats à la bombe. Plusieurs projections sont annulées après différents incidents à Orléans, à Laval et à Lons-le-Saunier. À Saint-Étienne, le projectionniste découvre un sac bourré d'explosifs.
Le film attendit 1971 pour sortir normalement. Le 10 décembre 1980, une forte charge de plastic, placée dans le hall d'un cinéma de Béziers qui projetait La Bataille d'Alger, explose et cause d'importants dégâts matériels. En janvier 1981, à Paris, deux personnes sont blessées lors d'un attentat contre le cinéma Saint-Séverin.
Le film resta censuré en France, jusqu'en 2004, car considéré comme un film de propagande, brisant des tabous sur le comportement militaire français au cours de ce qui ne s'est longtemps appelé en France que de simples événements, et s'attaquant à des traumatismes alors récents.
Ce film a inspiré "R.A.S". (1973) d'Yves Boisset.
Utilisation par les armées
Ce film était régulièrement projeté aux stagiaires étrangers de l'École des Amériques (installée tout d'abord au Panama puis sur le territoire américain), dans le cadre des études relatives aux guerres de type révolutionnaire. Le réalisme poussé de la mise en scène et du scénario ont fait que ce film a été utilisé à contre-emploi par certains services de renseignement.
Selon le journal Le Monde (8 septembre 2003), quelques mois après le début de l'intervention de la coalition en Irak, les officiers de l'état-major de l'armée américaine et quelques civils sont invités à visionner le film "La Bataille d'Alger" dans un auditorium au Pentagone, afin d'avoir un aperçu de la guerre subversive menée par la France durant cette période et faire un parallèle avec les problèmes rencontrés lors de l'occupation de Bagdad durant la guerre en Irak.
Et sur les cartes d'invitation envoyées à ces officiers de l'état-major, on peut lire ceci : "Comment gagner la bataille contre le terrorisme et perdre la guerre des idées ?" L'invitation stipulait aussi : "Des enfants tirent sur des soldats à bout pourtant, des femmes mettent des bombes dans des cafés et bientôt toute la population arabe communie dans une ferveur folle. Les Français ont un plan, ils obtiennent un succès tactique, mais ils subissent un échec stratégique, cela vous rappelle quelque chose ? Pour comprendre pourquoi, venez à cette projection rare". D'après Donald Rumsfeld qui a assisté à la projection du film, "La Bataille d'Alger est un modèle d'enseignement sur la guérilla urbaine pour mieux comprendre le développement de la guerre en Irak".
Influences du film
Le film, qui a été produit pendant l'ère de la décolonisation, a inspiré des mouvements de militantisme anti-impérialiste, des luttes ouvrières et des mouvements étudiants dans le monde entier. Il a été interdit dans plusieurs pays tels qu'en Afrique du Sud (pendant l'apartheid), au Brésil, dans l'État impérial d'Iran, au Mexique, en Uruguay et dans d'autres endroits, en raison de la crainte d'incitation à la rébellion.
Pour certains, ce film est un rappel durable d'un rêve de liberté à tous ceux qui luttent contre des forces qui continuent à changer de forme et à chercher le silence et la répression de ces mouvements.
Pendant le procès qui s'est tenu à New York en 1971 des "Panther 21", membres du "Black Liberation Army", accusés de conspirer afin de faire exploser des bombes dans les grands magasins, les commissariats de police et d'autres endroits à travers la ville, le procureur, dans une tentative d'influencer le jury vers une condamnation, a montré le film aux jurés pour démontrer qu'ils y ont tiré leur inspiration. Les forces de l'ordre pour contrer leurs attaques l'ont visionné également et ont adapté leurs tactiques et stratégies.
Le thème principal composé par Ennio Morricone a été repris par Quentin Tarantino pour son film "Inglourious Basterds" (2009).
Distinctions & Récompenses
Mostra de Venise 1966 : Lion d'or et Prix FIPRESCI de la Mostra de Venise. New York Film Critics Circle pour le meilleur film en langue étrangère. Prix de la Ville de Venise au Mostra de Venise 1966. Prix de la Société nationale des critiques de cinéma aux États-Unis. Rubans d'argent du meilleur réalisateur, producteur et photographie au Syndicat national des journalistes cinématographiques italiens. Gobelets d'Or du meilleur réalisateur. UN-Award, British Academy of Film and Television Arts / BAFTA 1972. Kinema Junpo Awards 1968. Primé à Cannes.
Nominations
Rubans d'argent du meilleur scénario, musique et design de production au Syndicat national des journalistes cinématographiques italiens.
C'est le seul film dans l'histoire des Oscars à être nommé lors de deux années non-consécutives, pour la catégorie meilleur film en langue étrangère en 1967 et pour l'Oscar du Meilleur réalisateur et du meilleur scénario original en 1969. * Film sélectionné pour la 19ème édition du Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen Orient (PCMMO) 2024.
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