J'ai volontairement repris cette expression chère à Raymond Depardon et qui fut le fil conducteur de son livre "Errance", où, se mettant dans la peau d'un photographe errant, voyageant d'un lieu à un autre, sans destination précise, il photographiait au hasard de son humeur, sans autre but que de garder une trace de son passage ici et là, comme si son périple devait un jour naturellement l'amener à trouver son lieu acceptable.
Le lieu acceptable, la quête du lieu acceptable. Comme la chanson du matin qui reste en tête et dont on ne peut plus se défaire, c'est une phrase qui m'a souvent hantée lorsque j'ai commencé à refaire le point sur mes images, toutes mes images depuis le début. Faire le point, regarder ses photographies d'en haut, en avoir une vision générale, les regarder sous un angle nouveau, les regarder comme si... oui, presque comme si quelqu'un d'autre en était l'auteur. Cela m'a permis de me poser des questions essentielles : ai-je été assez honnête avec moi-même en prenant chacune de ces photos ? Y ai-je pris du plaisir ? Ai-je auparavant regretté d'avoir montrer telle ou telle image, d'en avoir écarter d'autre ? Faire l'effort de regarder mes images d'en haut m'a permis d'avoir une meilleure vision de ce que je voulais finalement montrer de moi, de ce que je voulais que l'on retienne de moi par mes choix photographiques. Quelles sont les lumières, quelles sont les regards, les attitudes, les atmosphères qui m'obsèdent et que je revendique ?
Et puis toujours ces mots, lieu acceptable, tournant en boucle dans mon esprit et devenus fil conducteur pour la sélection d'images à montrer, à défendre. Trouver son lieu acceptable, de Brest à Tanà, en passant par Marseille, Paris, le Kosovo, Tulear, Diego, etc. Il était important que chaque photo choisie témoigne d'un passage, un peu comme le touriste collectionnant des photos pour témoigner de son voyage et pour dire : "Voilà j'étais là à ce moment et à cet endroit là". Alors même que ces photographies ont pour la plupart été réalisées dans le cadre d'un reportage, d'un sujet, j'ai toujours eu le désir d'amener un point de vue esthétique, personnel et intime sur l'état du Monde. J'ai ainsi extirpé de mes archives, des photographies témoins en quelque sorte d'un parcours, et qu'elles fonctionnent comme des balises géographiques, témoins d'un passage, d'un endroit franchi, d'une situation vécue. Pour autant il ne faut pas tenter de déceler dans cette série la chronologie d'une biographie, une histoire comportant un début et une fin, une introduction et un dénouement. Ces images existent et sont cohérentes entre elles car elles représentent simplement certains moments de ma vie où chaque événement, chaque situation, chaque lieu pris en photo ont contribué à forger peu à peu ma personnalité photographique, mes désirs de photographe. Mais, tel le photographe errant de Depardon, le lieu acceptable demeure insaisissable, mes obsessions ne pourront être réellement un jour assouvies, la lumière ne sera jamais la bonne, la situation ne sera jamais telle que j'ai pu l'espérer, l'endroit ne sera jamais tel que j'ai pu le rêver.
William Klein se faisait la réflexion suivante en analysant ses planches-contact : " Chaque photo est prise à 1/125ème de seconde, l'accumulation de toutes ces photos fait environ 2 secondes, donc on peut dire que ma vie de photographe aura duré 2 secondes (...)".
Rija Solo

VERNISSAGE - LUNDI 7 MAI 2012 A 18H
HALL D'EXPOSITION - INSTITUT FRANCAIS ANALAKELY

EXPO OUVERTE AU PUBLIC
DU LUNDI AU SAMEDI - DE 9H A 18H
ENTREE LIBRE