Il se présente comme "artiste citoyen" mettant son art au service de l'éducation populaire.
Meissa M'baye s'installe en France en 1983 pour y poursuivre ses études, avec "l'idée secrète" de faire de la musique. Avec des amis et des parents, il participe à la création du groupe Kounta Kinte (du nom du héros de la série télévisée Racines qui relate le parcours d'un esclave déporté, et l'histoire de sa descendance en Amérique). Il s'agissait de revendiquer "le lien musical avec la diaspora afro-américaine. On était bercé autant par Wilson Pickett que par Nougaro. On singeait les Touré Kounda?c' était de l'afro-pop !" Mais Meïssa se rend compte qu'il a ses projets et sa route propre. Il quitte le groupe (1992) puis part en 1996 à Atlanta, dans le sud des Etats-Unis, s'initier à la culture afro-américaine. Il apprend énormément dans les chorales des églises protestantes, et côtoie des chanteurs comme Agile du groupe Arrested Development. A son retour, dans la foulée de son premier album solo, Night in Casamance, il se replonge dans l'oeuvre de Senghor et retourne au Sénégal - sur les berges du fleuve Sine, suivre les traces du poète en son royaume d'enfance. Car Meïssa est wolof, et ne connaît guère le terroir sérère qui a vu naître son parolier d'exception.
"A Joal (lieu de naissance de Senghor), j'ai rencontré l'un de ses neveux. Il m'a introduit à la culture sérère, qui est vraiment à la source de sa poésie"
Après ce bain de culture et de jouvence, Meïssa se retire seul, en Bretagne, et se laisse envahir par les textes qu'il a choisis, à la recherche de mélodies pour les porter. "Il fallait que les mélodies soient accessibles, et que chaque chanson ait sa propre carte d'identité... une en si bémol majeur, une autre en ré mineur....que chacune ait sa couleur". Des mélodies métisses où la kora, le xalam (guitare à deux cordes), l'accordéon ou le violon s'intègrent harmonieusement. Le choix des instruments cependant suggère discrètement les périodes littéraires du poète. L'accordéon enveloppe d'une valse mélancolique le spleen aux accents baudelairiens, tandis que la kora ou le skank d'un reggae révolté attisent la grogne d'une chanson militante comme Thiaroye. Ce morceau rend hommage aux tirailleurs sénégalais massacrés le 1er décembre 1944 pour avoir revendiqué le paiement de leurs arriérés de solde. Senghor, auquel beaucoup d'intellectuels africains reprochent sa francophilie aveugle, n'en fut pas moins amer et profondément déçu : "Est-ce donc vrai que la France/ N'est plus la France/ Est-ce donc vrai que l'ennemi/ Lui a dérobé son visage ?". Et Meïssa de défendre celui dont il chante les vers : "Senghor est plus africain que moi. Seul celui qui connaît sa culture peut aller chercher ailleurs et s'enrichir..."C'est finalement, à rebours, le parcours que fait aujourd'hui Meïssa qui ne s'est "jamais senti aussi à l'aise en France que depuis qu'il est retourné en Afrique".
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