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Des friches pour mémoire, Katanga industriel, RD Congo

Une sélection du patrimoine photographique de la Gécamines (ex-Union minière du Haut-Katanga) commenté par les habitants de Lubumbashi (capitale de la province du Katanga) et revisité par le regard de Sammy Baloji, jeune photographe congolais.
Des friches pour mémoire, Katanga industriel, RD Congo
Genre : Exposition

Du samedi 02 au samedi 09 décembre 2006

Horaires : 00:00
Rubrique : Photo

"En 2004, je plongeais pour la première fois dans l'univers mystérieux des usines de la Gécamines à Lubumbashi.
J'étais parti photographier le terril et la cheminé afin d'illustrer le magazine culturel de l'Espace Culturel Francophone. Il fallait absolument montrer ces paysages industriels qui donnent une autre image de l'Afrique.
Le terril et la cheminée demeurent les symboles du Katanga industriel.
Les symboles de la richesse du Katanga.
Les symboles de la richesse minière du Katanga.

Par la suite j'ai eu l'occasion d'y retourner plusieurs à plusieurs.

J'avais découvert la Gécamines.
La Gécamines dont tous les vieux katangais préfèrent parler au passé.
"Vous n'avez pas connu la Gécamines, moins encore l'Union Minière du Haut Katanga, qu'ils disent quand la fierté d'avoir vécu une époque de gloire l'emporte sur la nostalgie. C'était la belle époque !
Nous étions très bien payés. Avec ce salaire nous pouvions nourrir deux ou trois familles .Nous recevions des provisions alimentaires chaque fin du mois. Nos enfants allaient dans les très bonnes écoles de la Gécamines. Logement, santé, éducations, loisir, tout, tout était assuré par la Gécamines…"
Souvent, la finale, partie tragique de ces discours est hantée par le nom de Mobutu et par son système.
Quant à lui, il renvoie la cause du déclin aux "colons" en prétextant, soit l'impréparation des congolais à la gestion du pays, soit la convoitise des ressources naturelles congolaises par l'Est et l'Ouest, ou encore la tentative de la recolonisation du Zaïre par des pays occidentaux.
Souvent, dans les discours des "gécaminars", il est difficile de séparer l'entreprise Gécamines de l'Etat, du pater. Le sort de la Gécamines se trouve étroitement lié au sort politique du pays.

A présent, la Gécamines est, comme diraient les lingalaphone, "nzungu ya kala elambaka ba soupe ya bien", la vieille marmite qui produit de la bonne soupe. Ses carrières regorgent encore des minerais. Des minerais qui font encore frémir les Minings et les négociants, les "vautours" ou creuseurs et des journaliers congolais à 3 dollars le jour. Mais ça, c'est une autre histoire…
La Gécamines est toujours vivante.
Elle produit encore.
20 000 tonnes de cuivre le mois, Normale ! Elle n'a plus que deux concentrateurs au lieu des cinq qui produisaient, dans les années 70, 500 000 tonnes le mois. 500 000 tonnes, l'équivalent de la production du cuivre du Chili.

Ses ouvriers, quoi que dégoûtés par des longs mois non payés, lui sont toujours fidèles. Ils y croient encore. Ils savent bien qu'elle ne sera plus jamais la même poule aux œufs d'or. Tant pis, mais elle représente beaucoup à leurs yeux. Elles les a nourri, vêtu, instruit. Non seulement eux, leurs parents ainsi que leurs arrières arrières grands parents. Pour la plupart, ils étaient venus des contrées lointaines répondre à la politique de recrutement, sans savoir ce qui les attendaient.

L'Union Minière du Haut Katanga, calquée en partie sur le modèle sud-africain, n'a pas échappé à l'histoire de l'exploitation, de la domestication des esprits et des corps, allant jusqu'au contrôle de la sexualité indigène. On a même mené des recherches génétiques pour créer une nouvelle race de travailleurs idéaux, comme l'explique Philip de Boeck dans son ouvrage merveilleusement illustré par Marie-Françoise Plissart "Kinshasa, récits de la ville invisible".

Elle est une histoire de l'Indépendance acquise en 1960.

"La terre cœur d'un continent pleur,
Dans une vague de misère traversé par la peur,
Elle meurt de sa richesse,
Ô maman indépendance,
Où se trouve ce que t'as promis ?
Tout le monde attend de toi Dada Afrique…" (Extrait de la chanson Terre cœur de Pasnas 2006)

Elle est l'histoire de Tshombe et de la sécession katangaise après l'accession à l'indépendance,
Une histoire de démocratie et du multipartisme en 1990,
Une histoire de transition,
Une histoire de la conférence nationale souveraine,
Une histoire de conflits ethniques Kasaïens-Katangais,
Une histoire de rébellion de l'AFDL,
Une histoire de l'assassinat du président Laurent Désiré Kabila,
Une histoire des départs volontaires à la Gécamines,
Une histoire de l'invasion Rwando-Ougandaise,
Une histoire de un plus quatre,
Une histoire des premières élections démocratiques au Congo,
Une histoire de l'identité du congolais,
Une histoire du futur.

"Peux-tu me citer une seule entreprise de l'Etat congolais qui fonctionne correctement ?" me dira l'un deux.
Avons-nous vécu réellement l'Indépendance ?
Que dire de la démocratie ?
Que dire de l'assassinat de Laurent Désiré Kabila ?
Que dire de l'invasion Rwando-Ougandaise ?
Que dire de la transition ?
Que dire de un plus quatre ?
Que dire des élections ?
Que nous réserve le futur ?
Autant de questionnements qui accompagnent le quotidien de l'ouvrier de la Gécamines.

La profondeur historique, les images de la mémoire, proviennent d'une partie du fonds photographique de la Gécamines promis à la dispersion, vendu à l'encan, racheté grâce à monsieur George Forrest, et sauvegardé à la médiathèque de l'Espace Culturel Francophone de Lubumbashi.
Que voulez-vous, il n'y a pas que les "Mayibwe" (hétérogenites à la base du terril) qui forment les dépouilles de la Gécamines.

J'ai vu les entrailles encore chaudes des friches industrielles, le fameux poumon économique congolais.
J'ai vu la mémoire illustrée d'une épopée. La belle époque de ces pimpants colons.
J'ai vu des regards noirs et blancs.
J'ai vu des femmes et des enfants.
J'ai vu le pouvoir
J'ai vu le grand éléphant s'écrouler sur ces quatre pattes à l'aube de ses cent ans.

Il a suffit de lire le passé à la lumière du présent."

Sammy Baloji

Renseignements / Lieu


Vernissage le 4 décembre de 18h à 20h
Expo du lundi au vendredi : 9h-20h - Samedi : 9h-13h



( 2006-12-02 00:00:00 > 2006-12-09 00:00:00 )
54 boulevard Raspail
Paris ( 75006 )
France




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